« Souffrir de la solitude, mauvais signe ; je n'ai jamais souffert que de la multitude... » F. Nietzche

Cette phrase, du fameux philosophe, donne le ton de l'ouvrage de Jacqueline Kelen qui l'a mise en exergue dès le prologue. Je me suis souvenue à quel point ces paroles avaient résonné en moi, lorsque, adolescente, je les avais rencontrées au cours de mes lectures désordonnées, et solitaires ; à l'époque, j'ai souvent emprunté et arboré cette citation, silencieusement, dans le non-dit, ou à voix haute, dans la provocation...

« L'esprit de solitude » se manifeste tôt dans l'existence, et dans son essai, Jacqueline Kelen souligne qu'il n'est jamais perçu comme une qualité par l'entourage. Tout le mouvement éducatif, familial et scolaire, est recentré sur la communication avec autrui et l'intégration sociale ; mais ce système ne nous apprend jamais à être seul(e), « Tout est programmé pour briser les rares moments de silence et de solitude... Parents, professeurs s'inquiètent si l'enfant demeure seul et préfère la compagnie des livres, des arbres ou des animaux à celle des humains... »

Constamment associé au groupe, l'être humain a bien du mal à sauvegarder sa liberté et son intégrité, il est « dépossédé de lui-même, et devient nécessairement dépendant des autres. On appellera cela l'esprit de famille, la camaraderie, le sens de la communauté... tout est programmé pour égayer ou briser ses rares moments de silence et de solitude. »

Pourtant la solitude ne ressemble en rien à la tristesse, elle est à la recherche de l'essentiel : la rencontre avec soi-même, qui permet de mieux se connaître et de mieux maîtriser son destin. Elle conduit les sages, les grands saints, les artistes, vers la réflexion, la contemplation ou l'inspiration, et tous, vers le recueillement. Elle se situe alors loin du narcissisme et du repliement sur soi.

Je souhaite que ce bref résumé vous incite à lire cet ouvrage, intelligent et très documenté, qui fait référence à de nombreux mythes dont Jacqueline Kelen est une spécialiste.

Je la laisse conclure : « En quelques mots, voici ce qu'à travers ces pages je tenais à vous dire :

Il y a en chacun de vous une solitude qui est ce que vous avez de plus précieux. Une solitude inaliénable, magnifique, qui est la solitude même de l'Esprit. »

Éloge de la solitude - « L'esprit de solitude. » Jacqueline Kelen - Essai - Editions Albin Michel

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